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Arrêt de nutrition et d’hydratation artificielles : mourir de faim, mourir de soif ?

Il est d’abord indispensable de clarifier le vocabulaire

L’alimentation concerne les apports oraux du malade : jamais l’alimentation n’est arrêtée délibérément en phase palliative. Les malades mangent bien sûr à leur convenance, sauf exception (par exemple quand un patient âgé fait des fausses routes massives, potentiellement mortelles). Cette alimentation plaisir est cruciale — même si elle est évidemment insuffisante à l’approche de la fin de vie — pour assurer un équilibre métabolique. 

Il faut noter qu’en Ehpad ou en USLD, nombreux sont les patients qui refusent la nourriture proposée par les soignants tandis qu’ils acceptent quelques cuillérées présentées par leurs proches. Cette discordance exige une explication de la part de l’équipe soignante, car la famille se montre souvent furieuse : « Vous ne savez pas la faire manger, avec moi elle mange !!! » Les quelques bouchées absorbées par la personne âgée témoignent de la volonté de faire plaisir à l’être aimé et en tout état de cause ne suffisent pas à la nourrir ; alors que refuser une petite cuillère à un soignant est beaucoup plus simple…

En revanche, la nutrition, qui regroupe toutes les modalités d’apports artificiels (sonde gastrique ou nasale, perfusions…) peut, depuis la loi de 2005, être arrêtée ; toujours dans le cadre d’une procédure collégiale, ces stratégies ayant été alors définies comme des traitements. 

Cet arrêt de nutrition est souvent dénoncé par les tenants de l’euthanasie, sous l’argument que ce serait une « souffrance supplémentaire inacceptable », voire que les soignants laisseraient les patients «  mourir de faim et de soif » en “organisant” sciemment une insuffisance rénale mortelle ! Or, dans le contexte d’une affection grave en fin de vie, la clinique montre que le métabolisme est ralenti et que les sensations de faim et de soif sont quasiment toujours absentes ; ce qui ne peut se comparer aux sensations d’une personne en bonne santé. De plus, cet arrêt éventuel ne se justifie que pour des raisons précises dans un contexte de phase terminale ; il n’altère aucunement la qualité de vie du malade. Surtout, le patient chez lequel l’apport artificiel a été interrompu pour améliorer son confort meurt de sa maladie, et non de cette interruption à visée bénéfique. 

Dans un tout autre plan d’analyse, l’arrêt de l’absorption alimentaire peut relever de l’initiative du patient. Signalons une confusion fréquente dans le langage courant : les attitudes opposantes, le refus de nourriture, sont facilement étiquetées « refus de soin  ». Or il faut savoir explorer minutieusement les différentes manifestations d’un refus. Il peut s’agir d’un refus des soins, du refus d’un soin, de l’attitude opposante générale à toute relation ou encore de l’attitude opposante ciblée sur une personne, sans omettre une intrication possible avec des troubles psycho-comportementaux. Quoi qu’il en soit, la première question qui doit se poser est celle de savoir s’il ne veut pas manger ou s’il ne peut pas manger ? Ou parfois il ne doit pas manger (car il risque une fausse route massive) ? Il revient à chaque équipe d’analyser chaque situation, son contexte, la portée d’un éventuel refus, ce qui est souvent complexe en grande gériatrie !  

En toute fin de vie, le choix de réduire, voire stopper la nourriture, traduit fréquemment une forme d’acceptation de la mort qui approche… manifestation explicite qui peut évidemment être mal vécue par un entourage qui voudrait pouvoir l’ignorer.

 

La question de la nutrition est toujours multi-dimensionnelle 

Symbolique

L’obligation de nutrition et d’hydratation est une donnée de toute civilisation. Nourrir l’autre, c’est lui manifester notre volonté de le voir vivre (et grandir quand il s’agit d’un enfant).

Médicale

Certains praticiens non formés aux soins palliatifs peuvent assimiler ces arrêts de nutrition aux arrêts de suppléance vitale, ce qui est inexact en phase terminale.

Juridique

Depuis 2005, la loi française considère la nutrition et l’hydratation artificielles comme des « traitements », ce qui a des conséquences sur les modalités de leur arrêt, qui impose le recours à une procédure collégiale, car il s’agit alors de LAT (limitations et arrêts de traitement). 

 

Quelles sont les bonnes pratiques médicales qui justifient l’arrêt de la nutrition ?

• Soit l’arrêt de nutrition et/ou d’hydratation est explicitement demandé par le patient, ce qui est très rare.

• Soit la poursuite de l’hydratation et de la nutrition artificielle sont jugées plus délétères que bénéfiques dans le contexte clinique.

• Soit lorsque la poursuite de la nutrition et de l’hydratation relèverait d’une obstination déraisonnable chez un patient qui n’est pas en état d’exprimer sa volonté.

La procédure

Un arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielles doit être le fruit d’une procédure collégiale, désormais précisée par le code de santé publique. Il peut être recouru à une sédation profonde, si le moindre doute existe quant à la souffrance susceptible d’être engendrée par cet arrêt.

La procédure collégiale exige une discussion multidisciplinaire, qui prend en compte la situation médicale singulière du patient, les éléments d’une éventuelle obstination déraisonnable et les aspects contextuels. L’objectif de la procédure collégiale est d’optimiser la décision médicale à travers un consensus de l’équipe. 

Fondées sur la pratique, les recommandations des sociétés savantes concernées s’efforcent d’apporter des réponses aux questions de l’entourage des patients, qui vit souvent très mal l’annonce de l’inutilité de la nutrition en fin de vie. En effet, les représentations associées à la nourriture touchent à des dimensions symboliques irrationnelles qui ne correspondent pas à la réalité médicale et soignante.

L’aspect clinique

S’agissant de la soif, il faut savoir que la perception de la soif diminue avec l’âge ; la grande majorité des patients en fin de vie n’éprouve pas de sensation de soif et l’hydratation peut avoir des effets secondaires non négligeables (comme l’encombrement bronchique) majorant l’inconfort. Des soins de confort sont poursuivis pour éviter la sensation de bouche sèche.

En ce qui concerne la faim, la phase terminale d’une maladie grave s’accompagne d’une perte de l’appétit dans la majorité des cas. La nutrition par sonde – souvent réclamée par des familles angoissées, dans le déni de la finitude – est inutile dans ces cas et expose à diverses complications, notamment digestives et infectieuses.

Sur un plan éthique

Les décisions à ce sujet ne peuvent être prises qu’au cas par cas, en pesant les bénéfices et les inconvénients – la visée restant toujours le seul confort du patient.

Les soignants doivent s’appuyer sur ce que le malade a pu exprimer avant, oralement ou au moyen des directives anticipées.

Il est important de ne jamais faire peser le poids de la décision sur la famille, mais de l’informer et de l’accompagner, en raison notamment de la dimension symbolique et affective liée à l’alimentation. 

Il convient également de rappeler que l’arrêt de la nutrition ne signifie pas l’arrêt des soins, qui sont toujours maintenus, voire intensifiés.

Arrêter les soins ? Jamais !

Arrêter les traitements ? Parfois !

Respecter le patient ? Toujours !

L’expliquer à la famille qui n’envisage pas la finitude de son proche  ?  À l’infini !

 

Les auteurs ne déclarent pas de lien d’intérêt.