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La mise en avant d’une clause de conscience permet à un médecin, sauf circonstances particulières, de refuser ses soins à un patient.

La question se pose néanmoins en des termes fort différents lorsqu’il s’agit d’administrer la mort, l’acte euthanasique n’étant pas un soin. Ainsi, les pays qui l’ont dépénalisé ont intégré dans leur texte de loi la mention d’une clause de conscience spécifique pour autoriser les praticiens qui le souhaitent à s’exonérer de la réalisation de ce geste. Cette mention semble a priori les protéger d’un geste qu’ils ne veulent pas exécuter. Cela étant, l’aspect juridique est insuffisant pour rendre compte de toute la complexité des impératifs déontologiques. En outre, les pratiques des pays étrangers montrent sa relativité immédiate : au Québec, les services publics qui ont refusé la pratique euthanasique se sont vu menacer de sanctions financières.
Le contexte dans lequel la clause de conscience intervient ici est très particulier et elle place les médecins chargés de la fin de vie dans une position inextricable.

Au-delà de toute conviction personnelle qui peut les amener à refuser de transgresser l’interdit fondamental que représente l’acte de « donner la mort », les praticiens du secteur palliatif se montrent très majoritairement opposés à l’exécution du geste euthanasique. À la lumière des connaissances issues de leurs expériences professionnelles, ils savent à la fois l’ambivalence de chaque patient et la disparition de la plupart des demandes, dès lors que sont procurés les soins adaptés à leurs besoins.
Une loi sur l’euthanasie est ainsi redoutée non pour ce qui est interprété comme un conservatisme ou un pouvoir médical qui ne trouvent pas ici leur place, mais parce que le dogmatisme de ceux qui la réclament efface l’attention, l’inventivité et la finesse qui sont au cœur de l’exercice médical et qui en font tout son intérêt, tant pour le patient, qui sera ainsi assuré de bénéficier des meilleurs soins jusqu’au bout, que pour le praticien, qui devant chaque patient se sent interpellé, engagé dans sa responsabilité et sollicité dans sa créativité thérapeutique.
Si une telle loi était votée, les palliatologues pourraient cependant difficilement tenir leur position d’opposition. En effet, ce serait laisser la pratique euthanasique aux mains d’équipes moins formées à la prise en charge de la douleur et de la fin de vie et donc multiplier les actes dans de mauvaises conditions.

Ainsi, l’inscription légale d’une clause de conscience ne résiste pas à l’épreuve de la réalité, apparaissant plutôt comme un piège : dans le but de limiter le nombre de recours à l’euthanasie pour prise en charge insuffisante, les médecins de soins palliatifs se trouvent, dans la pratique, contraints d’accepter professionnellement l’hypothèse d’un geste auquel ils se refusent personnellement.
Nos voisins belges et canadiens expliquent parfaitement le mécanisme pervers qui se met en place dans le domaine palliatif. Nombre de patients passent par des phases de demande d’euthanasie, surtout au début ou au fil de leur maladie, demandes dont l’immense majorité disparaissent dans le temps avec un accompagnement de qualité. Lorsque ces patients savent, avant leur admission en unité de soins palliatifs (USP), que ce centre ne pratique pas l’euthanasie, la plupart d’entre eux ne demandent pas leur admission dans ce lieu ; dès lors, ils ne peuvent pas bénéficier de la qualité d’une prise en charge qui serait à même de faire évoluer leur demande. Au contraire, ces patients se dirigent d’emblée vers des centres « euthanasieurs » sans recevoir les soins palliatifs qui leur seraient alors offerts.
Ainsi, plusieurs services de soins palliatifs qui dans un premier temps avaient refusé la pratique euthanasique en ont finalement accepté le principe : au Québec, l’USP historique de soins palliatifs Michel Sarazin, après avoir fait valoir une clause de conscience depuis le vote de la loi, s’est résignée en 2021 à la possibilité de cette pratique. Prise en tenaille entre ces impératifs soignants contradictoires et la puissance de la pression sociétale, elle s’est trouvée acculée à cette décision.

Au sein même des services hospitaliers, la clause de conscience scinde les équipes. Pourtant leur cohésion est particulièrement indispensable dans un domaine qui confronte quotidiennement les soignants à la mort, avec toutes les conséquences qui en découlent pour eux-mêmes, tant sur le plan professionnel que personnel. En outre, bien des médecins qui refusaient ce geste se sont vu ostracisés par leur institution, ou par leurs collègues.

Dans la filière de soins palliative, la clause de sa conscience apparaît ainsi comme un piège diabolique entraînant indirectement une diminution d’accès aux soins spécifiques de la fin de vie.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.