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Covid-19 : 2020-2024 – Bilan et perspective d’une olympiade d’infections au Sars-CoV-2

Depuis son apparition à Wuhan, en Chine, en décembre 2019, et son expansion à la surface du globe en 2020, le severe acute respiratory syndrom coronavirus 2 (Sars-CoV-2) a été à l’origine d’une pandémie qui a fortement bouleversé nos sociétés. Quatre ans plus tard, quel est le bilan de cette pandémie pour nos patients et quelles sont les perspectives ?

Durant les années 2020-2021, le virus Sars-CoV-2 a été responsable de plus de 13 millions de décès dans le monde, dont 80 % chez les patients de plus de 60 ans. Il s’est hissé et maintenu dans le top 3 des causes de mortalité sur ces 2 années avec la mortalité par infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral (AVC). L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié en mai 2024 un rapport sur les effets de la Covid-19 sur l’espérance de vie, montrant une perte de 1,8 an d’espérance de vie à la naissance et une perte de 1,5 an d’espérance de vie autonome. Pour résumer l’importance de cet impact, l’OMS a intitulé son communiqué : « La Covid-19 a anéanti une décennie de progrès en matière d’espérance de vie à l’échelle mondiale (who.int) ».

Épidémiologie

Les données des effets des premières vagues de la Covid-19 sur les Ehpad commencent aussi à être publiées en France. Sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les Ehpad ont enregistré, entre 2020 et 2022, cinq vagues d’infections au Sars-CoV-2 responsables de 1 435 épisodes épidémiques et 30 110 infections (Tab. 1). La comparaison entre les vagues est difficile compte tenu de l’évolution des variants, mais aussi des mesures mises en place semaine après semaine : accès aux tests, mesures de confinement, saturation hospitalière, vaccination. On peut noter que malgré des taux d’attaque variables selon les souches en circulation, les taux d’hospitalisation et de létalité ont globalement diminué au fur et à mesure des vagues épidémiques [1]. Une deuxième étude a analysé dans le système national des données de santé français l’incidence de la première vague de la Covid-19 sur les hospitalisations pour motif gériatrique et la mortalité lors de ses hospitalisations. Dix motifs d’hospitalisation (confusion, démence, chute, fracture du col fémoral, dépression, escarre…) ont été étudiés pour la France avec une comparaison entre l’année 2020 et une cohorte historique regroupant les années 2017 à 2019. La mortalité hospitalière pour ces mêmes motifs médicaux a aussi été comparée en 2020 et sur une cohorte allant de 2015 à 2019. Sur l’année 2020, les hospitalisations ont globalement diminué de 45 % sur ces motifs (-13 % pour les fractures du col), avec une corrélation avec la circulation virale (plus la circulation virale est élevée, plus les hospitalisations étaient faibles). Par contre, la mortalité est plus élevée et en particulier pour les hospitalisations des patients confus (+74 %) [2]. Les mesures de contrôle mises en place durant l’épidémie ont été évaluées par différentes modélisations mathématiques. La première étude a évalué l’ensemble des mesures mises en place en population générale. Le premier confinement a été le plus efficace avec une baisse de 80 % de la transmission (R0). Le couvre-feu à 18 h a été plus efficace que le couvre-feu à 20 h (transmission -68 % vs -48 %) [3].
Ces mesures ont permis le contrôle épidémiologique, mais ont aussi eu parfois une incidence négative sur les populations, en particulier les patients fragiles. D’une part, il y a eu un effet somatique avec une diminution de l’accès aux soins que ce soit le suivi médical ou le recours aux soins urgents comme montré sur les hospitalisations [2], la diminution de l’activité physique, mais aussi un impact psychologique et social avec la perte des interactions sociales et le contact avec les proches [4]. L’arrivée des vaccins a permis d’assouplir ces mesures de confinement physique. Les vaccins ont évité environ 159 000 décès et 1,5 million d’hospitalisations. Sans eux, le système de santé français hospitalier aurait été saturé avec 100 % de malades de la Covid-19 le 6 août 2021 [3]. Une deuxième étude focalisée sur la vaccination des Français de plus de 50 ans a montré des résultats similaires avec 480 000 hospitalisations évitées dans cette tranche d’âge et 125 000 décès (réduction de 60 %) avec un effet d’autant plus important que les patients étaient âgés [5] (Tab. 2).

Les variants

La particularité du virus depuis le début de la pandémie a été sa capacité à muter et la sélection de variants à l’origine de différentes vagues épidémiques. Nous vivons actuellement dans l’ère d’omicron et ses descendants, le variant JN1* était majoritaire en avril 2024 en France. Il n’existe pas actuellement de signal préoccupant en termes de santé publique. Avec l’apparition d’omicron, la sémiologie des patients atteints de la Covid-19 a évolué avec des formes moins respiratoires et des présentations plus atypiques (chute, asthénie) et moins de détresses respiratoires. En novembre 2022, la DGS avait publié une note comparant le variant omicron avec le variant delta précédent (Tab. 3). Il ressortait qu’avec le variant omicron, l’évolution était plus rapide, avec moins de besoin d’hospitalisations. Le recours à l’oxygénothérapie était plus rare et, en cas d’hospitalisation, la durée moyenne de séjour était plus courte avec un risque d’admission en réanimation divisé par 4 (8 % sous omicron contre 25 % sous delta) [6]. Les données concernant le variant omicron montrent que par rapport au delta, les hospitalisations concernent préférentiellement les patients les plus âgés (> 80 et 90 ans) (RR x 20) ou avec des comorbidités importantes (score de Charlson élevé, greffe d’organe, traitement corticoïde et autres ­immunosuppresseurs, hémodialysé ou avec troubles neuropsychiatriques) (RR x 2-3). Les patients hospitalisés sous l’ère omicron sont moins souvent admis en soins intensifs, avec un moindre recours à la ventilation invasive ou non. Enfin, la mortalité hospitalière a été moins élevée avec les nouveaux variants lors de la vague delta [7, 8].

Les complications

Concernant les complications survenues après un épisode de Covid, une étude de cohorte canadienne a comparé la Covid (2020-21) avec la grippe ou des épisodes de sepsis que ce soit avant ou après la phase pandémique. Cette cohorte incluait 26 000 patients de plus de 75 ans dont 7 % étaient vaccinés. Dans le mois qui suit l’épisode infectieux, la Covid-19 est associée à plus d’épisodes d’AVC, de dépression et de maladie thrombo-embolique (MTE). Il n’y avait pas dans cette étude de surrisque d’infarctus du myocarde ou autre pathologie cardiovasculaire, d’HTA, d’insuffisance cardiaque, de troubles cognitifs, de maladie de Parkinson, d’épilepsie, de ­polyarthrite rhumatoïde ou d’addiction. Lorsque les patients sont suivis au-delà de 1 mois, seul le surrisque de MTE persistait avec la Covid-19 [9].

La prise en charge

Concernant la prise en charge de la Covid-19, celle-ci a peu évolué depuis la dernière réponse rapide dans le cadre du traitement de la Covid-19 [10] et les recommandations américaines du National Institutes of Health (Encadré 1) [11]. Elle repose essentiellement sur des mesures symptomatiques (prévention MTE, hydratation, support nutritionnel…). L’oxygénothérapie est mise en place si nécessaire et doit faire discuter d’une évaluation hospitalière pour exploration (imagerie thoracique, biologie) et d’une mise en place d’un traitement avec surveillance adaptée. La corticothérapie ne doit être utilisée qu’en cas d’oxygénorequérance. De même, les antibiotiques ne sont pas automatiques. Les surinfections bactériennes sont rares au cours de la Covid-19 même chez les patients âgés, la mise sous antibiotique systématique n’apporte aucun bénéfice et expose au risque d’effet indésirable (allergie, toxicité, infection à C. difficile) et à la sélection de bactéries résistantes. Ils ne seront prescrits qu’en cas de surinfection bactérienne documentée ou suspectée au moins par une imagerie thoracique. Deux antiviraux sont actuellement disponibles en France. Le premier est un traitement oral, le nirmatrelvir/ritonavir dont l’indication concerne les patients symptomatiques (< 5 j) non oxygénorequérants et à risque de forme grave. Ce traitement utilise, pour booster l’effet du nirmatrelvir, le ritonavir, qui est un inhibiteur enzymatique puissant. Il est à risque élevé d’interactions médicamenteuses (amiodarone, alfuzosine, statines…) nécessitant leur vérification avant la prescription (sfpt-fr.org/recospaxlovid ou Liverpool Covid-19 Interactions [covid19-druginteractions.org]). Il est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale (adaptation de posologie entre 30 et 60 ml/min de DFG, contre-indication en dessous de 30 ml/min). Ce traitement resterait efficace sur les variants omicron avec une diminution du taux d’hospitalisation ou des décès même si ceux-ci sont faibles [12]. Le bénéfice sur la prévention des hospitalisations ou le décès était retrouvé chez les patients âgés de plus de 65 ans lors de la vague omicron du premier trimestre 2022 [13]. Sur des données plus récentes, l’efficacité sur la durée des symptômes chez les patients vaccinés n’est pas significativement différente du placebo [14]. La fin du stock d’état a fait émerger la problématique de la prise en charge par les établissements de son coût qui reste important. Les données de tolérance sont rassurantes avec comme principaux effets indésirables décrits une diarrhée et une dysgueusie dans la base de données américaine [15]. Nous aurions besoin de données cliniques pour préciser les groupes de patients qui restent à haut risque d’évoluer vers une forme grave de la Covid-19 en dehors du seul critère d’âge.
Le remdésivir est le deuxième antiviral disponible. C’est un traitement antiviral injectable utilisable en deuxième intention pour les patients ayant une contre-indication au nirmatrelvir/ritonavir (patients qui ne nécessitent pas d’O2 à risque accru d’évolution vers une forme sévère) et en cas de pneumonie nécessitant de l’O2 bas débit ou VNI en début de traitement. C’est un traitement de recours hospitalier nécessitant un avis spécialisé.

Encadré 1 – Prise en charge d’un patient présentant une infection à la Covid-19 symptomatique âgé ambulatoire/Ehpad (adapté des recommandations du National Institutes of Health et de la réponse rapide de la Direction générale de la Santé [9, 10]).

► Mesures d’hygiène adaptées pour limiter la transmission.
► Si le patient n’a pas d’anticoagulation préalable, mettre en place une anticoagulation HBPM préventive :
• en l’absence de contre-indication,
• dépister (d-dimères) et traiter la maladie thrombo-embolique en particulier en cas de désaturation.
► Hydratation orale à stimuler et si insuffisant, compléter par voie intraveineuse ou sous-cutanée.
► Prévention de la dénutrition.
► Prévention des complications de décubitus (mobilisation, kinésithérapie…).
► Antiviral oral (nirmatrelvir/ritonavir) :
• patient symptomatique < 5 j non oxygénorequérant et à risque de forme grave (immunodéprimé…),
• en l’absence d’insuffisance rénale (adaptation posologie entre 30 et 60 ml/min et contre-indiqué si DFG < 30 ml/min) ou hépatique sévère,
• vérifier les contre-indications (sfpt-fr.org/recospaxlovid).
► En deuxième intention, un autre antiviral, le remdésivir, est disponible, en injectable en milieu hospitalier dont HAD (ne pas hésiter à prendre un avis spécialisé).
► Oxygénothérapie si désaturation :
• elle doit faire discuter un recours hospitalier (imagerie, biologie, traitement…),
• corticothérapie : dexaméthasone IV (6 mg/j) ou prednisone PO (40 mg/j) 10 j,
• surveiller équilibre diabète et rattrapage d’insuline selon dextros.
► Ne pas hésiter à prendre un avis spécialisé : équipe mobile en hygiène, hotline gériatrique et hotline infectiologique.

La prévention

Les mesures de prévention que sont les précautions d’hygiène avec les gestes barrière et la vaccination demeurent les éléments fondamentaux de la lutte contre la Covid-19. Malheureusement, on peut constater un « relâchement » de l’effort collectif. Le taux de couverture vaccinale pour la saison 2023-2024 était de 30,2 % dans la population âgée de plus de 65 ans avec un maximum de 36,9 % chez les plus de 80 ans. La couverture vaccinale chez les soignants en Ehpad est le plus bas à 9,9 % proche des hospitaliers à 12,2 % [16]. Au niveau de la population française, la réticence vaccinale était maximale en 2010 à 53 %. Elle avait ensuite décru pour être à 33 % en 2020 à l’arrivée du vaccin Covid-19 et remonte actuellement autour de 37 % essentiellement alimentée par la réticence pour la vaccination contre la Covid-19 (passée de 2 % en 2020 à 29 % en 2023) [16]. Il existe une possible lassitude à la vaccination qui nécessite pour la population gériatrique des injections rapprochées.
La vaccination contre la Covid-19 conserve tout son intérêt, non seulement pour éviter la survenue de l’infection, mais aussi les complications comme la MTE ou les complications cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC…), que ce soit pour les formes graves hospitalisées ou ambulatoires [17]. De plus, en termes de santé publique, la vaccination a démontré au Canada un bénéfice sur la consommation globale d’antibiotiques et en particulier ceux utilisés dans les infections respiratoires comme l’amoxicilline/acide clavulanique [18].

Conclusion

L’infection Sars-CoV-2 est en constante évolution entre l’apparition de variants et l’adaptation des moyens à disposition pour les combattre. Malheureusement, malgré une production scientifique intense et rapide, les données sont parfois déjà obsolètes lorsqu’elles arrivent à publication. De nombreuses attentes persistent sur des traitements antiviraux efficaces sur les souches circulantes avec moins d’interactions médicamenteuses ou des vaccins plus performants (durée de protection plus longue, efficace sur les futurs variants), voire combinés à d’autres virus respiratoires comme le vaccin grippe/Covid-19 à ARNm en cours d’essai de phase III.

Même si la mortalité à l’heure actuelle a fortement diminué, le fardeau en gériatrie de la Covid-19 reste important et nous devons continuer notre effort de prise en charge sans relâcher les mesures de prévention.

 

L’auteur déclare avoir été orateur lors d’un symposium du laboratoire Pfizer.

Bibliographie

1. Sanchez Ruiz MA, Franke F, et al. Le fardeau de la Covid-19 dans les Ehpad de Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2020-2022. Bull Épidémiol Hebd 2023 ; 18 : 370-9.
2. Torres MJ, Coste J, Canouï-Poitrine F et al. Impact of the first covid-19 pandemic wave on hospitalizations and deaths caused by geriatric syndromes in France: A nationwide study. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2023 ; 78 : 1612-26.
3. Ganser I, Buckeridge DL, Heffernan J et al. Estimating the population effectiveness of interventions against Covid-19 in France: A modelling study. Epidemics 2024 ; 46 : 100744.
4. Manckoundia P, Putot A. Covid-19-related french lockdown: Impact on the physical and psychological health of older adults. Gerontology 2022 ; 68 : 418–20.
5. Tan-Lhernould L, Tamandjou C, Deschamps G et al. Impact of vaccination against severe Covid-19 in the French population aged 50 years and above: a retrospective population-based study. BMC Med 2023 ; 21 : 426.
6. Note de la DGS : sante.gouv.fr/IMG/pdf/annexe_5_-_tableaux_cliniques.pdf
7. Socan M, Mrzel M, Prosenc K et al Comparing Covid-19 severity in patients hospitalized for community-associated Delta, BA.1 and BA.4/5 variant infection. Front Public Health 2024 ; 12 : 1 294 261.
8. Turpin A, Semenzato L, Le Vu S et al. Risk factors for Covid-19 hospitalisation after booster vaccination during the Omicron period: A French nationwide cohort study. J Infect Public Health 2024 ; 17 : 102450.
9. Quinn KL, Stukel TA, Huang A et al. Comparison of medical and mental health sequelae following hospitalization for covid-19, influenza, and sepsis. JAMA Intern Med 2023 ; 183 : 806-17.
10. Haute Autorité de santé. Réponse rapide dans le cadre de la Covid-19. Traitement de la Covid-19. www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-06/reco468_fiche_rr_traitement_covid_19_mel.pdf.
11. NIH. Final NIH Coronavirus Disease (COVID-19). Treatment guidelines. www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/.
12. Dryden-Peterson S, Kim A, Kim AY et al. Nirmatrelvir plus ritonavir for early covid-19 in a large u.s. health system : a population-based cohort study. Ann Intern Med 2023 ; 176 : 77-84.
13. Arbel R, Wolff Sagy Y, Hoshen M et al. Nirmatrelvir use and severe covid-19 outcomes during the omicron surge. N Engl J Med 2022 ; 387 : 790-8.
14. Hammond J, Fountaine RJ, Yunis C et al. Nirmatrelvir for vaccinated or unvaccinated adult outpatients with covid-19. N Engl J Med 2024 ; 390 : 1186-95.
15. Pannu V, Udongwo N, Imburgio S et al. Adverse events of SARS-CoV-2 therapy: a pharmacovigilance study of the FAERS database. Ann Pharmacoth 2024 ; 58 : 105-9.
16. Bulletin vaccination. Édition nationale. Avril 2024. Saint-Maurice : Santé publique France 2024.
17. Cezard GI, Denholm RE, Knight R et al. Impact of vaccination on the association of Covid-19 with cardiovascular diseases: An OpenSAFELY cohort study. Nat Commun 2024 ; 15 : 2173.
18. Jorgensen SCJ, Brown K, Clarke AE et al. The effect of Covid-19 vaccination on outpatient antibiotic prescribing in older adults: a self-controlled risk-interval study. Clin Infect Dis 2024 : ciae182.