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Le vieillissement du système immunitaire (immunosénescence) est un processus complexe altérant à la fois l’immunité innée et acquise. Il est intriqué avec le phénomène d’inflamm’aging qui apparaît aussi lors du vieillissement. La réponse vaccinale se modifie avec l’âge et nécessite une adaptation spécifique de la vaccination dans la population âgée.

 

 

Introduction

Le vieillissement s’accompagne d’une altération progressive du système immunitaire, phénomène connu sous le terme d’immunosénescence. Cette détérioration est associée à une susceptibilité accrue aux infections, à une augmentation de leur sévérité et à une incidence plus élevée de cancers. Elle est due à une altération phéno-typique et fonctionnelle des cellules et organes immunitaires. Ces anomalies expliquent la diminution de l’efficacité des schémas vaccinaux “conventionnels” avec l’âge, rendant essentielle la conception de stratégies vaccinales adaptées aux sujets âgés.

Altérations immunitaires liées au vieillissement

 

Fonctionnement du système immunitaire normal

Il existe une coopération entre les systèmes immunitaires inné et adaptatif. Le système inné intervient avec les polynucléaires, notamment les neutrophiles, les macrophages et les cellules présentatrices d’antigènes, qui vont faire le lien avec l’immunité adaptative. Face à un signal de danger, le système immunitaire adaptatif est activé (Fig. 1).

Figure 1 – Éléments cellulaires des systèmes immunitaires inné et adaptatif et leurs interactions, d’après [1].

Il y a d’abord une reconnaissance T ou B spécifique, entraînant une expansion clonale et une différenciation avec une action effectrice vis-à-vis du pathogène, puis un arrêt avec 90 % des cellules qui meurent et 10 % qui persistent sous forme de cellules mémoires.
Un système immunitaire fonctionnel a une bonne capacité homéostatique (production centrale et périphérique), une bonne capacité effectrice, une régulation efficace (retour au repos et pas d’hyperactivation) et une réponse ciblée adaptée (respectant le soi et les allergènes).
Avec le vieillissement, les cellules souches hématopoïétiques sont altérées avec une diminution de leur capacité réplicative et de la capacité générative. Cela touche en particulier des progéniteurs lymphoïdes par rapport aux cellules souches hématopoïétiques myéloïdes, entraînant un problème de génération de lymphocytes T et B.

 

Vieillissement de l’immunité innée

L’immunité innée est relativement préservée en nombre. Les cellules souches des lignées myéloïdes sont globalement préservées en nombre et en capacité réplicative. Cependant, des altérations fonctionnelles sont observées, telles qu’une diminution de la capacité de phagocytose et de migration vers les sites d’infection. Ces déficiences expliquent le retard de cicatrisation et la diminution de la réponse inflammatoire.

Vieillissement de l’immunité adaptative

L’immunité adaptative subit une perte à la fois quantitative et qualitative.
Le thymus involue progressivement avec l’âge, entraînant à partir de l’âge adulte une diminution de la capacité de production de lymphocytes T naïfs de l’ordre de 3 % par an. Chez les sujets de plus de 70 ans, la production de cellules T naïves est inférieure à 20 %. Comme ce sont ces lymphocytes T naïfs qui réagissent face à un nouvel antigène, la capacité du système immunitaire à répondre à de nouveaux antigènes est altérée à partir de 70 ans. De plus, ces cellules naïves ont des capacités fonctionnelles moins performantes pour réagir face à un antigène : moindre capacité de prolifération, d’activation et altération de la différenciation. Par exemple, les lymphocytes T naïfs produits après 70 ans montrent des télomères raccourcis, témoignant d’un stade déjà sénescent.
De plus, les cellules mémoires s’accumulent avec l’âge et on retrouve un répertoire de cellules T différenciées très vieilles avec une faible capacité de réplication. Le répertoire cellulaire T diminue brutalement d’un facteur 100 après l’âge de 65 ans. Le vieillissement de l’immunité adaptative T aboutit à un répertoire oligoclonal avec une pauvre capacité réplicative.

L’infection par le cytomégalovirus (CMV) joue un rôle aggravant

Le CMV est un virus qui diffuse dans toutes les cellules de l’organisme et qui entraîne une infection chronique que le système immunitaire tente de contrôler. En plus de la production de cellules mémoires classiques, le CMV provoque l’apparition de cellules qui prolifèrent peu pendant la phase aiguë, mais sont dites “inflationnistes”, car elles vont s’accumuler au fil des années. Ces cellules sont formées à partir de cellules T naïves qui sont orientées vers cette réaction anti-CMV. Il y a ainsi une “consommation chronique” de cellules T naïves qui se potentialise avec le déficit lié au vieillissement. Mais ces cellules inflationnistes vont avoir en plus un fonctionnement altéré avec un profil pro-inflammatoire et une forte différenciation qui aggravent le dysfonctionnement immunitaire.

Du côté des lymphocytes B

Avec l’âge, la moelle osseuse s’appauvrit aussi en cellules B souches et les cellules mémoires s’accumulent, limitant la diversité du répertoire B. La production d’anticorps est à la fois quantitativement et qualitativement réduite, avec une capacité de commutation isotypique altérée (IgM vers IgG) et une augmentation des auto-anticorps.

L’ensemble de ces éléments explique la diminution de la réponse vaccinale par rapport aux sujets plus jeunes. La réponse à J7 de l’administration du vaccin est comparable, mais celle-ci n’augmente pas dans le temps comme chez un patient plus jeune. Ainsi, la réponse vaccinale à 1 mois est plus faible et de moins bonne qualité chez le sujet âgé. L’infection par le CMV a aussi un effet négatif sur cette réponse.

Inflamm’aging

L’âge est également associé à une inflammation chronique à bas bruit, appelée “inflamm’aging”. Cette situation résulte d’une augmentation des cytokines pro-­inflammatoires, d’un stress oxydatif accru et de la production de molécules pro-sénescentes du phénotype SASP (Senescence-associated secretory phenotype). Ce contexte pro-inflammatoire contribue à l’altération de la réponse immunitaire et vaccinale.

Effet du vieillissement sur la réponse vaccinale

Toutes les étapes de la réaction immunitaire vaccinale sont affectées par l’immunosénescence avec un effet cumulatif. La reconnaissance des signaux de danger est atténuée par “l’inflamm’aging”, et la capacité fonctionnelle des cellules à présenter des antigènes est déficiente.
Les lymphocytes T naïfs étant moins nombreux et moins fonctionnels, la reconnaissance des nouveaux antigènes est altérée. Par ailleurs, la réponse B est aussi dysfonctionnelle avec une production d’anticorps réduite, une affinité moindre et une durée de protection plus courte. De plus, la durée de vie des cellules est ­raccourcie par le vieillissement.

Un phénotype de risque immunitaire peut être proposé. Il est associé à une mortalité plus élevée et une réponse vaccinale moins bonne. Il se définit par une sérologie CMV positive, un ratio CD4/CD8 diminué, une prédominance de cellules CD8 et CD28- ainsi qu’un répertoire T restreint.
Cependant, la réponse vaccinale est affectée par de nombreux autres facteurs, qu’ils soient ­intrinsèques, comme l’âge, le sexe et la génétique, ou extrinsèques, comme l’état nutritionnel, les infections (CMV et autres) et le ­microbiote (Fig. 2) [2].

Figure 2 – Facteurs susceptibles de modifier la réponse immunitaire, d’après [2].

Stratégies vaccinales adaptées aux personnes âgées

Pour pallier ces déficiences immunitaires, plusieurs stratégies vaccinales peuvent être proposées, dont certaines sont déjà mises en œuvre dans le calendrier vaccinal.
• Vaccins à haute dose : augmentent la charge antigénique pour stimuler une réponse plus robuste (exemple : vaccin anti-grippe haute dose).
• Vaccins adjuvantés : amplifient la stimulation du système immunitaire (exemple vaccin anti-grippe adjuvanté, vaccin anti-zostérien).
• Vaccins multivalents : simplifient le schéma vaccinal.
• Inhibiteurs de l’inflammation chronique : association à l’inhibiteur de mTor, de NF-κB…
• Inhibiteurs de l’immunosénescence : restauration de l’auto-­phagie avec metformine ?
Cela nécessite d’élaborer des stratégies vaccinales ciblées en fonction de l’âge et du statut immunitaire.

La vaccination contre le CMV éviterait l’effet néfaste de cette infection chronique sur le système immunitaire qui potentialise ­l’immunosénescence, et permettrait une meilleure réponse aux vaccins. Enfin, il semble important qu’un maximum de “nouveaux” vaccins soient faits avant 65 ans lorsque le panel de réponses antigéniques à de nouveaux antigènes est encore suffisamment large.

Exemples de vaccinations recommandées chez les patients de plus de 75 ans [4]

• Grippe : conséquences majeures sur la mortalité des seniors et les complications cardiovasculaires. En 2023, l’efficacité vaccinale est estimée à 50 % en population générale et à 38 % chez les plus de 65 ans. Il existe des vaccins à haute dose et adjuvantés, mais qui n’étaient pas disponibles en France pour la saison passée 2024-2025. La couverture vaccinale reste insuffisante, autour de 50 % en global et 22 % chez les professionnels travaillant en Ehpad.
• Pneumocoque : vaccin ciblant la capsule bactérienne, avec des formulations adaptées à l’âge. Le vaccin conjugué 20 valences offre une couverture supérieure, avec 64 % des sérotypes couverts, contre 24 % pour celui avec 15­ valences. Au calendrier vaccinal, il n’y a plus qu’une seule injection de vaccin conjugué à faire (vaccin conjugué 20 valences). La vaccination chez les plus de 65 ans a été proposée par la Haute Autorité de santé (HAS) indépendamment des facteurs de risque (comme l’insuffisance d’organe).
• Virus respiratoire syncytial (VRS) : représentant une cause significative d’hospitalisation chez les personnes âgées. Les vaccins récents montrent une réduction de 80 % des hospitalisations.
• Zona : vaccination recommandée pour une protection durable (efficacité prouvée jusqu’à 8 ans).
• Covid-19 : chez les plus de 65 ans, la protection conférée par la vaccination diminue rapidement en raison de l’émergence de variantes d’échappement, mais aussi de ­l’immunosénescence, nécessitant des rappels rapprochés après 80 ans. L’efficacité vaccinale disparaît à 6 mois, expliquant la nécessité de rappels au moins 3 mois après le dernier épisode d’infection au ­Covid-19 ou la dernière injection vaccinale. La Direction générale de la santé (DGS), en concertation avec la HAS, a préconisé une nouvelle campagne de vaccination contre la Covid-19 pour les personnes les plus fragiles (patients de 80 ans et plus, patients immunodéprimés et résidents d’Ehpad ou Usld quel que soit l’âge). Celle-ci est réalisée du 14 avril au 14 juin 2025, avec la possibilité de la prolonger de 1 mois si la situation épidémiologique le justifie. Il s’agit pour cette campagne d’un vaccin ARN couvrant Omicron JN.1 [5].

Conclusion

L’immunosénescence affecte profondément la réponse vaccinale et nécessite des stratégies adaptées pour améliorer la protection des sujets âgés. L’utilisation de vaccins adjuvantés, à haute dose, ainsi qu’une adaptation du calendrier vaccinal sont des approches prometteuses pour réduire la vulnérabilité des personnes âgées face aux infections.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens ­d’intérêt.

Bibliographie

1. Fabregat A, Sidiropoulos K, Viteri G et al. Reactome diagram viewer: data structures and strategies to boost performance. Bioinformatics 2018 ; 34 : 1208-14.
2. Anastassopoulou C, Ferous S, Medić S et al. Vaccines for the Elderly and Vaccination Programs in Europe and the United States. Vaccines 2024 ; 12 : 566.
3. Hou Y, Chen M, Bian Y et al. Insights into vaccines for elderly individuals: from the impacts of immunosenescence to delivery strategies. NPJ Vaccines 2024 ; 9 : 77.
4. Santé.gouv.fr. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2024. Disponible sur : sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinal_dec24.pdf.
5. DGS-Urgent n°2025-09 : COVID-19 : Renouvellement vaccinal Covid-19 des plus fragiles au printemps 2025. Disponible sur : sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgs-urgent_no2025-09_campagne_de_vaccination_covid-19_printemps_2025.pdf.