Accompagner les résidents en Ehpad lors de soins complexes
Résumé
Un certain nombre de personnes âgées vivant en institution présente des comportements difficiles lors des soins. L’utilisation d’un Photo Sécure© et de l’hypnose permettent de prévenir ou d’apaiser ces personnes lors des moments difficiles.
Introduction
L’utilisation de techniques hypnotiques permet de faciliter les soins complexes auprès de personnes ayant des troubles neuro-dégénératifs. Une entrée en transe peut se réaliser en quelques secondes en conduisant le résident dans son endroit de sécurité, repéré grâce au Photo Sécure©.
Hypnose et personnes âgées
Diverses recherches ont démontré l’efficacité de la mise en place de l’hypnose conversationnelle auprès des personnes âgées [1-3]. Cet outil peut s’intégrer en trois jours de formation [4] qui permettent de s’approprier :
• une posture que l’on nomme le « pacing » qui permet de se connecter à la personne en allant la « chercher » là où elle se trouve. Cela passe par une respiration paisible, une posture sécurisante, une voix monocorde hypnogène ;
• le « saupoudrage » de mots apaisants permettant d’amener la sécurité : « paisiblement, tranquillement, calmement, doucement… »
• et la création de métaphores [5] qui peuvent être distillées tout au long du soin.
La formation sera d’autant plus efficace qu’elle est réalisée au sein d’une unité de soins afin que tous les membres de l’équipe intègrent collectivement ces nouvelles compétences. Il sera toutefois important d’insister sur le fait que cet outil s’utilise uniquement dans le champ de compétences propre à chaque métier.
Tool Box : comment réaliser un Photo Sécure©
Compte tenu de pathologies neurodégénératives, beaucoup de personnes ne peuvent plus nommer leurs endroits de sécurité. D’où la nécessité de repérer ces lieux en amont lors de conversations informelles avec la personne ou ses proches. Sa réalisation débute donc dès l’accueil du résident en Ehpad, mais cela peut aussi être effectué par les intervenants à domicile, l’infirmière libérale, ou la famille.
En structure d’accueil, « cet outil nous amène à être curieux de la vie des personnes en recherchant des informations que nous ignorions jusqu’à présent sur l’histoire de vie, la profession, les centres d’intérêt… » indique Sabrina, aide-soignante à l’Ehpad Mont Leroux à Huelgoat. « Cette recherche se fait naturellement lors des premières rencontres à l’arrivée de la personne dans l’unité. »
Lors de la mise en place initiale de l’outil, les professionnels de l’unité se répartissent l’élaboration des fiches et cela se met en place en peu de temps.
L’observation de la chambre permet déjà d’avoir des informations pertinentes : la pièce est-elle investie par des photos autres que celles de petits-enfants que la personne âgée ne reconnaît plus ? Les photos de famille sont en effet à éviter, car les soignants peuvent difficilement connaître l’identité de chaque individu et le lien existant avec la personne âgée. Les photos sont choisies de préférence dans la tranche des 10-30 ans environ, car les souvenirs de cette période de vie sont généralement plus présents chez les personnes ayant des troubles cognitifs.
La justesse du choix des photos est systématiquement et spontanément vérifiée car, heureux d’avoir réalisé leurs fiches, les soignants les montrent en salle de pause et les collègues disent « Ah, oui, c’est madame Untel ».
Installation du Photo Sécure© (voir figure 1)
Cette information est ensuite inscrite sur une fiche A4 regroupant jusqu’à quatre photos (Fig. 1). Très souvent, on y retrouve un lieu d’habitation, un voyage, un métier, des animaux, un jardin… Si la photo représente un lieu, il peut être pertinent de le nommer afin que tous les soignants puissent bien l’identifier : « la maison à une certaine période de la vie, la ferme, le magasin, l’église de tel village… ».
Cette fiche est joliment présentée et apposée au même endroit dans toutes les chambres de la structure afin que chaque remplaçant puisse repérer immédiatement l’information nécessaire dès qu’il pénètre dans la chambre. Les équipes soignantes ont ainsi des indications pour diriger la conversation permettant d’adapter la communication avec le résident.
Utilisation du Photo Sécure©
Lors d’un accompagnement hypnotique, l’entrée en transe se fait généralement en quelques secondes lors d’une hypnose conversationnelle, car la personne âgée ayant des troubles neurocognitifs est très souvent dissociée. Serge Sirvain [6] indique que « beaucoup de patients âgés atteints de pathologies neurodégénératives sont dissociés, en transe quotidienne spontanée ou post-traumatique… Nombre de patients, bien que présents physiquement, semblent ailleurs dans leurs souvenirs, absents de notre réalité et de notre présent. Les regards sont tournés vers une intériorité. Cela ressemble bien à une présence/absence, à une dissociation ».
Le soignant choisit sur le Photo Sécure© un des lieux de sécurité afin d’être “confortable” dans l’élaboration de métaphores. Ici, dans l’exemple, il parlerait ainsi de Bigoudènes, de broderies et de coiffes ou de réparation de trains ou encore de mer et de bateaux de pêche. « Cet outil en lien avec le projet personnalisé de vie du résident permet de porter une attention particulière à chaque résident et donc d’individualiser au maximum la prise en soins car trop souvent, en structure, nous avons tendance à agir de manière systématique », explique Sabrina. Gaëlle, aide-soignante indique que « grâce à ces deux outils le Photo Sécure© et l’hypnose conversationnelle, accompagner les résidents qui refusent leur toilette est beaucoup plus facile et surtout, cela me réconcilie avec mon métier qui était devenu une routine ».
En cas d’hospitalisation
Autre avantage de ce Photo Sécure© : il peut être joint au dossier de liaison d’urgence (DLU) lors d’une hospitalisation afin que les soignants puissent l’afficher dans la chambre et avoir ainsi des thèmes de conversation adaptés à chaque patient âgé ayant des difficultés communicationnelles. Cet outil peut permettre d’éviter les déambulations et les mises sous contention ou sous médicaments anxiolytiques encore trop fréquentes.
Quelques exemples
Le Photo Sécure© donne des pistes pour aider à construire des métaphores, histoires que le soignant raconte lors du soin. Ainsi, une dame très agressive et « jetant généralement des sorts » aux soignants effectuant la toilette a passé ce moment agréable, car les soignants l’ont invitée à s’installer dans son canapé où son chat la rejoignait. Et tout au long de la toilette, la résidente caressait son chat pendant que les soignants lui parlaient de « toilette de chat » (métaphore) « car il passe sa patte légèrement humide pour avoir un poil bien confortable… tranquillement… calmement » (saupoudrage). La toilette s’est ainsi déroulée paisiblement pour la résidente et sans agression à l’égard des soignants.
Un autre résident parlait très souvent de manière confuse d’avion. Il aurait travaillé dans l’aéronavale. Lors de la toilette, la soignante le fait décoller dans l’avion, sans toutefois connaître sa fonction exacte au sein de la marine. Elle raconte que « l’avion est dans les nuages et que la pluie tombe, mais le cockpit n’est pas tout à fait étanche et qu’il est donc normal qu’il puisse ressentir un peu d’eau (métaphore), il est en totale sécurité dans son avion qui approche de la piste. La tour de contrôle vient de lui demander de virer à droite puis à gauche pour pouvoir atterrir » (le soignant lave le dos et change la protection). Cette métaphore se poursuit jusqu’à l’installation du résident dans son fauteuil « et là, il y a un léger un trou d’air que vous savez bien gérer » quand le lève-personne est utilisé. Sourire du résident en fin de toilette alors qu’habituellement, il est absent.
Évaluation de l’outil
Afin d’évaluer l’efficacité de cet outil, entre autres lors de toilettes difficiles, l’infirmière coordinatrice peut créer une cible spécifique dans le cadre des transmissions ciblées. Ainsi, les soignants peuvent préciser l’agitation ou le soin complexe dans l’item « Données », la thérapie non médicamenteuse essayée dans l’item « Action ». Le « Résultat » est noté sous 3 à 5 jours. Ces informations seront reprises dans le plan de soins pour que l’équipe puisse harmoniser ses prises en soins et ses pratiques sur le long cours.
Cet outil permet également d’analyser le comportement spécifique d’un résident sur un temps long, mais aussi de mener une analyse comparative entre une unité où cet outil est utilisé et une autre où l’outil est inexistant.
Le médecin coordonnateur peut aussi suivre la réduction d’antipsychotiques pour un résident donné, et aussi en comparant la quantité de molécules utilisées entre différentes unités ayant intégré ou non cet outil.
Conclusion
Utiliser des techniques d’hypnose auprès des personnes âgées ayant des troubles cognitifs apporte du confort tant pour les résidents que pour les accompagnants. La mise en place d’un Photo Sécure© aide au repérage d’un lieu de sécurité de la personne, permettant d’introduire naturellement une conversation de type hypnose conversationnelle, y compris pour le personnel connaissant peu le résident. Les soignants en élaborant des métaphores adaptées à la personne âgée mobilisent ainsi leur créativité et font appel à leurs valeurs soignantes. Ils retrouvent ainsi toute leur place d’accompagnant auprès des aînés dans une bienveillance qui leur permet également de se renouveler à chaque chambre avec la satisfaction d’un soin individualisé.
Le Photo Sécure© peut aussi s’élaborer dans le cadre de la construction du projet individuel du résident en le ramenant dans Sa vie. La recherche de photos pertinentes par la famille les rend acteur dans cette institutionnalisation qui peut souvent être douloureuse et subie. L’idée du Photo Sécure© permet un lien dans cette rupture de vie, comme un objet transitionnel pour toute la famille qui peut retrouver joie et légèreté dans l’exploration des albums, un temps suspendu de résilience face au dernier chapitre que leur ancien s’apprête à écrire, un regard sur l’essentiel.
Les auteures déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.
Pour aller plus loin :
Perennou Geneviève, L’hypnose pour accompagner les personnes âgées. Satas, 2017
Perennou Geneviève, Métaphores hypnotiques pour accompagner les patients lors des soins techniques. Satas, 2019.
Floccia Marie. Hypnose en pratiques gériatriques. Dunod, 2020
Kerouac Michel. Métaphores avec ou sans hypnose. Satas, 2016
Bibliographie
1. Duff SC, Nightingale DJ. Alternative Approaches to Supporting Individuals With Dementia: Enhancing Quality of Life Through Hypnosis, Alzheimer’s Care Today 2007 ; 8 : 321-31.
2. Wawrziczny E, Buquet A, Picard S. Use of hypnosis in the field of dementia: A scoping review. Archives of Gerontolgy ans Geriatrics 2021 ; 96 : 104453.
3. Bertoni P. Hypnose médicale en gériatrie. Repères en Gériatrie 2020 ; 22 : 108-14.
4. Perennou G. L’hypnose pour accompagner les patients âgés. Satas, 2017.
5. Perennou G, Métaphores hypnotiques pour accompagner les patients lors des soins techniques. Satas, 2019.
6. Sirvain S. L’hypnose. Repères en Gériatrie 2021 ; 23 : 58-63.
Utiliser la musique comme thérapie anti-douleur et relaxante
Résumé
De plus en plus d’études s’intéressent à la musicothérapie et ses nombreuses applications. La littérature révèle notamment son intérêt interventionnel à visée de relaxation, d’endormissement ou de diminution de la douleur.
Développée en s’inspirant des techniques de relaxation et d’hypnoanalgésie, Music Care est un dispositif médical permettant de soulager la douleur, l’anxiété et les troubles du sommeil par la musique.
Ici, l’induction musicale remplace la suggestion verbale utilisée en hypnose grâce à une modulation du tempo de morceaux de musique permettant d’atteindre l’état modifié de conscience recherché.
L’application propose de composer son programme personnalisé de musicothérapie avec, au choix, trois séquences répondant à trois besoins différents, et une dizaine de styles de musique. La durée de la séance peut aussi être réglée.
Concernant la relaxation, le tempo de la musique suit une séquence dite en U. Dans un premier temps le tempo diminue progressivement, puis ré-augmente.
Concernant l’endormissement et le réveil, il existe une séquence en L et une séquence en J. Pour l’un, le tempo diminue et pour l’autre, le tempo augmente.
De plus, la technique permet d’optimiser les traitements anti-douleur prescrits en s’utilisant en synergie. À ce titre, les études cliniques montrent une réduction de l’utilisation médicamenteuse (anti-douleur, sédation).
Outre les effets d’un changement de tempo sur la douleur, le facteur principal de réussite est le choix de la musique par le patient, en fonction de ses goûts et de son histoire. Music Care a donc fait appel à différents compositeurs qui ont proposé un morceau décliné pour les trois séquences. Toute la musique est donc spécifiquement composée.
Efficace sur différents groupes de douleur, ces séances peuvent être réalisées en cabinet, en service à l’hôpital, au bloc, en institution ou même au domicile du patient, sur prescription du personnel soignant. Elle s’installe sur une tablette ou un smartphone et fonctionne via un abonnement (différents tarifs).