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Pour une psychologie de l’affectivité

Il est possible d’aborder la pathologie psychique sous trois aspects qui sont en interaction, les plans : subjectif, cognitif et émotionnel. Cela permet légitimement de présenter les psychotropes comme le moyen, pour un malade,  de retrouver la maîtrise confortable de ses émotions et de rééquilibrer l’ensemble de sa vie psychique.

À propos du rôle de l’affectivité

Le modèle simple sur lequel je propose de s’appuyer donne une place basique et déterminante à l’affectivité dans la vie psychique, ainsi qu’à la communication affective dans les relations interpersonnelles.  Cela ouvre la voie à une clinique de la communication  inconsciente dans le registre affectif.

Une précision s’impose d’ores et déjà, sous le terme général « affectivité »  ce sont des affects des sentiments et des émotions dont il sera question dans ce qui va suivre.

Comme toute représentation l’objet de ce modèle est d’être utile, dans des limites de validité. En l’occurrence, il s’agit essentiellement de prendre compte des phénomènes cliniques observés, sans avoir à connaître l’intimité des mécanismes biologiques concernés.

Je propose donc de distinguer (indépendamment des localisations cérébrales concernées) trois entités fonctionnelles. Considérant que ce qui se passe dans chacun de ces trois domaines interagit manifestement avec le fonctionnement des deux autres.

Il s’agit de :

  • La sphère ou appareillage cognitif, qui gère les facultés du même nom, telles que les différentes mémoires, opérations mentales, fonctions psychomotrices, etc. Il s’agit d’aptitudes qui sont mobilisables de façon consciente et volontaire.
  • La sphère subjective (correspondant à ce que Freud a identifié sous le nom d’appareil psychique), domaine de l’imaginaire, du fantasme et du rêve, avec une activité inconsciente déterminante. C’est un registre fonctionnel dont la particularité est d’ignorer le temps (dans les phénomènes d’après-coup un évènement actuel peut très bien être contaminé émotionnellement par un évènement ancien) et de fonctionner par association sur le mode analogique en recourant aux mécanismes dits « de défense du moi », tels que  le refoulement, dont la fonction est de protéger l’estime de soi.
  • Le domaine affectif (ou émotionnel) est impliqué dans la communication, tant consciente qu’inconsciente. Il est caractérisé par sa  robustesse, puisqu’il reste opérant même quand il semble que tout a disparu comme chez les malades d’Alzheimer.

Le domaine affectif est le lieu des impressions et des pensées potentielles, voire de souvenirs latents (mémoire affective identifiable à la mémoire implicite ?) à même de prendre corps sous la forme de pensées élaborées, plus ou moins reliées à l’état de l’humeur.

Il est aussi, pour une part, le registre du plaisir et du déplaisir, de la motivation (voire du désir ?) de l’humeur (gaité ou tristesse) et d’un ensemble de besoins fondamentaux (plutôt que de pulsions, dirais-je) tels que : l’attachement, la nécessité d’aimer et d’être aimé (base du narcissisme). Il est bénéficiaire de la quête de sens et du besoin de sécurité (impliquant la possession d’un territoire)…

On s’interroge de plus sur une participation affective dans des coïncidences de la vie quotidienne telles que des rencontres ou des appels téléphoniques reçus d’un ami à l’instant où on s’apprête à l’appeler. Phénomène troublant, survenant même à grande distance.

D’une manière générale, tenir compte des interactions affectives permet de mieux réguler la relation thérapeutique. Mais, confronté aux coïncidences troublantes ayant conduit à parler de communications inconscientes, personne à ce jour ne saurait dire sur quoi elles s’appuient biologiquement ou physiquement (on se retrouve dans le besoin de recourir au raisonnement dit de la « boite noire » qui consiste à relier une cause à un effet sans nécessairement expliquer par quel processus interne ils le sont. Ce qui est le cas de la plupart  d’entre nous quand nous nous servons d’un appareil électronique). Tout au plus peut-on prendre acte de la logique événementielle dans laquelle elles s’inscrivent.

En pratique clinique, la référence à une participation de la communication affective peut être utile par exemple pour tenter d‘expliquer des ressentis,  des propos ou des attitudes de notre part, qui à première vue apparaissent surprenants. Encore faut-il se doter d’un cadre d’analyse pluridisciplinaire rigoureux pour émettre des hypothèses sur les possibles réponses à des demandes inconscientes qu’ils pourraient constituer.

Un exemple banal est représenté par le fait de donner instinctivement  la main à un malade. Conduite qui conduit à l’hypothèse d’une possible réponse non élaborée à sa quête de protection maternelle.

Un autre exemple porte sur les conflits concernant des décisions thérapeutiques. Notamment à propos de personnes ayant peu accès à la parole comme les malades d’Alzheimer. Conflits qui peuvent être référés à la perception de désirs (d’attentes) contradictoires émanant de ce malade (hypothèse qui permet de sortir du rapport de forces). Par exemple : vivre encore ou mourir, aller en institution ou rester chez soi.

D’une façon générale des échanges affectifs peuvent être évoqués comme partie prenantes des observations amenant à parler de communication inconsciente. Un état affectif lié à une pensée ou un fantasme chez le sujet émetteur étant susceptible de mobiliser son homologue (s’il est présent) chez le récepteur et par voie de conséquence d’induire une pensée similaire.

Il est de même concevable d’invoquer une déstabilisation affective, à l’origine de comportements auxquels des sujets fragiles (notamment à tendance psychotique) ont recours pour ne pas se sentir envahis par une excitation inconfortable (ce qui évoque la « distance de fuite » chez l’animal : distance de sécurité en deçà de laquelle il attaque l’intrus au lieu de fuir) liée à un sentiment d’intrusion  psychique.

Il s’agit de phénomènes déclenchés par  le contact physique, par le regard ou à la simple proximité affective. Ils engendrent le maintien d’autrui à distance, obtenu inconsciemment par des moyens tels que : l’agressivité verbale, la violence physique, l’induction de confusion, les projections, le délire, mais aussi un aspect rébarbatif, une odeur repoussante et tous autres inducteurs d’un sentiment de malaise chez les tiers. Cela va jusqu’à une part de sidération de la pensée de ces tiers, caractérisée par des réponses dénuées de bon sens, voire de la confusion ou de  l’affolement. On parle à ce sujet de phénomènes d’attaque à la pensée d’autrui.

D’où la nécessité de s’appuyer sur des échanges affectifs maitrisés. Ce qui va de pair avec la mise en place de procédures de protection de la capacité de penser, telles que des temps obligatoires d’analyse clinique.

Selon le cas, le soin peut reposer sur une approche psychologique, avec les thérapies cognitivo-comportementales (voire éducatives) et les psychothérapies d’inspiration analytiques qui ont des indications électives.

Il peut aussi passer par le canal affectif, en s’appuyant notamment sur le recours aux médicaments psychotropes, qui visent une meilleure maitrise des émotions et par voie de conséquence un apaisement des désordres subjectifs et/ou cognitifs (on parle de confort de pensée).

C’est dans cet esprit qu’il est avantageux de prescrire de tels médicaments, dans le cadre d’une bonne alliance thérapeutique, avec un objectif dénué d’ambiguïté. Cette stratégie pouvant alors être expliquée à un patient.

La qualité de la relation joue un rôle, tout comme le temps consacré au patient. Car celui-ci est volontiers habité de craintes du type : serais-je encore moi-même si je prends ce médicament ?

D’où l’importance de commencer par de petites doses  pour permettre d’intégrer les changements de ressentis. D’où l’importance, aussi, de fournir des explications sur le mode d’action biologique de la molécule proposée, ne serait-ce que pour signifier la maitrise de ce qu’on prescrit. Ce qui va de pair avec un rendez-vous rapproché pour tenir compte de l’angoisse induite en étant à l’écoute des effets indésirables.

Il est ainsi possible d’obtenir l’adhésion à un traitement psychotrope en mettant loyalement en avant le confort psychique qu’il peut apporter, ce qui exclue de voir en lui une camisole chimique.