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Contexte

Un homme de 79 ans consulte pour le suivi de son hypertension (HTA). Au cours de cette consultation est remarquée une formation tumorale avec une forme de kyste au niveau de sa paupière inférieure ­(Fig. 1).

Figure 1 – Masse d’aspect kystique au niveau de la paupière inférieure.

 

Le patient avait perçu cette anomalie depuis quelques semaines, mais considérait que c’était une formation bénigne en l’absence de douleurs. Il est possible de noter la présence de vaisseaux à la surface de cette formation (Fig. 2). Qu’est-ce qui peut être suspecté ? Quelle prise en charge à proposer ?

Figure 2 – Télangiectasies en surface de cette formation (flèche verte).

Diagnostic

La présence de néovaisseaux à la surface de la lésion fait craindre une lésion maligne. Le patient est orienté en urgence vers un ophtalmologue pour une exérèse. Une analyse anatomopathologique a permis de poser le diagnostic de carcinome à cellules de Merkel.

Le carcinome à cellules de Merkel

Introduction [1, 4]

Le carcinome à cellules de Merkel a été décrit pour la première fois en 1972.
Il s’agit d’une tumeur d’origine neuroendocrine développée au dépens des cellules de Merkel. Elle est relativement rare et surtout observée après 50 ans.
L’incidence de cette tumeur est estimée à 0,3 cas pour 100 000 ­patients par an.
Ce chiffre se majore régulièrement du fait de :
- l’augmentation de l’espérance de vie des patients,
- la photo-exposition importante de la population,
- la meilleure approche diagnostique de ce carcinome, avec l’utilisation de marqueurs moléculaires performants (cytokératine CK20),
- l’augmentation du nombre de patients immuno-déprimés, en particulier lors d’une greffe d’organe, qui majore le risque de tumeur et en particulier de ce carcinome.

Description clinique [1, 2, 4]

La localisation préférentielle de ce carcinome se situe au niveau des paupières (10 % des carcinomes de Merkel sont observés à ce niveau, et 50 % sont situés sur le visage). Toutes les paupières peuvent être touchées, avec une prédominance de la paupière supérieure (63 %).
Cette formation présente l’aspect d’un nodule ferme, d’une couleur variant du bleu-violet au rouge, voire couleur chair. Il existe fréquemment des télangiectasies à la surface de ces lésions. Leur taille est variable, souvent < 1-2 cm, et elles n’induisent peu ou pas de symptômes. Un élément d’alerte est la rapidité de développement de ces formations tumorales et qu’il peut y avoir des adénopathies satellites.

Ce type de carcinome est très agressif, avec un potentiel de développement métastatique (lymphatique principalement) qui varie entre 10 et 50 % des cas.

Le diagnostic et l’évaluation de son extension [1, 4, 5]

Il est fait par une histologie à partir d’un punch/biopsie ou de l’exérèse élargie. En microscopie, cette lésion a un aspect de masse basophile, avec un contingent cellulaire important. Les cellules carcinomateuses sont de petite taille avec des noyaux arrondis et très denses. Le marquage à la cytokératine CK20 permet de typer ce carcinome.
Parallèlement, il faut réaliser un bilan d’extension, avec un scanner ou une IRM de la région cervicale, pour obtenir le stade de ce carcinome selon la classification TNM (Tab. 1) et proposer un traitement adapté, éventuellement assorti d’une consultation oncogériatrique.

 

Tableau 1 – Les différents éléments pris en compte pour la classification TNM.

Diagnostics différentiels (2-4-5)

Les principaux diagnostics différentiels sont :
- les pathologies néoplasiques (carcinome basocellulaire ou sébacé). Le diagnostic macroscopique est difficile et souvent il existe aussi des télangiectasies dans ces autres lésions néoplasiques. L’histologie permet le diagnostic différentiel (Fig. 3 et 4) ;

Figure 3 – Carcinome sébacé (flèche bleue).

 

Figure 4 – Carcinome basocellulaire de la paupière.

 

Figure 5 – Kyste épidermique (flèche verte) et molluscum pendulum (flèche rouge).

- les pathologies non néoplasiques : l’orgelet (kyste avec un contenu blanc), le kyste épidermique (pas de vascularisation à la surface), la blépharite (formation kystique à contenu translucide), le molluscum pendulum (formation couleur chair pédiculée, figure 5).

Le pronostic

Le pronostic de ce type de carcinome est assez mauvais. En comparaison avec le mélanome malin, où le taux de survie est de 61,3 % à 10 ans, il n’est que de 17,7 % pour le carcinome à cellules de Merkel.

La prise en charge [1, 2, 6-8]

La prise en charge dépend de la classification TNM, mais aussi de l’âge et de l’état physique du patient, selon les bonnes pratiques oncogériatriques.

La chirurgie

C’est le traitement dans la grande majorité des cas, excepté dans les situations où le processus tumoral est trop étendu. Il peut être proposé une exérèse locale large, ou bien une chirurgie de Mohs qui permet d’effectuer une exérèse par couche (exérèse optimale qui épargne les tissus sains). Le curage ganglionnaire n’est pas systématique et peut recourir à la technique du ganglion sentinelle.

La radiothérapie

Elle peut se faire en complément de la chirurgie pour éviter des récidives locales (les doses proposées varient entre 45 et 60 Gy), ou alors lorsque le sujet ne peut pas être opéré.

La chimiothérapie

Son intérêt est discuté selon les équipes et les protocoles se rapprochent de ceux des carcinomes à petites cellules du poumon.

Les biothérapies

Très récemment, de nouveaux traitements ont pu être proposés, comme l’avélumab (anticorps monoclonal anti-PD-L1) qui a l’indication dans le carcinome à cellules de Merkel métastatique. Ces nouvelles thérapeutiques sont assez bien tolérées, et permettent d’obtenir, dans certains cas, d’excellents résultats.
Il est important de bien examiner les patients âgés, même lors de visites “systématiques”.
En intervenant rapidement et efficacement, il est possible d’éviter des prises en charge lourdes et des complications locales sévères.

 

L’auteur déclare ne pas avoir de liens ­d’intérêt.

Bibliographie

1. Feldemyer L, Gaide O. Carcinome de Merkel : (r)évolution. La Revue Médicale Suisse 2013 ; 9 : 723-9.
2. Shields JA, Shields CL. Eyelid, conjunctival, and orbital tumors. Ed. Wolters Kluwer 2016.
3. Peters GB, Meyer DR, Shields JA, et al. Management and pronosis of Merkel cell carcinoma of the eyelid. Ophtamology 2001 ; 108 : 1575-79.
4. Herbert HM, Sun MT, Selva D, et al. Merkel cell carcinoma of the eyelid : management and prognosis. JAMA Ophtalmology 2014 ; 132 : 197-204.
5. Goessling W, McKee PH, Mayer RJ. Merkel cell carcinoma. JCO 2002 ; 20 : 588-98.
6. Tétu P, Baroudjian B, Madelaine I et al. Avancées thérapeutiques récentes dans la prise en charge du carcinome à cellules de Merkel. Bulletin du cancer 2019 ; 106 : 64-72.
7. HAS. Bavencio (avélumab) – Carcinome à cellules de Merkel. Avis sur les médicaments. 9 novembre 2023. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3470393/fr/bavencio-ave-lumab-carcinome-a-cellules-de-merkel.
8. Grabowski J, Saltzstein SL, Sadler GR et al. A comparison of Merkel cell carcinoma and melanoma : results from the califonia cancer registry. Clinical Medicine Insights. Oncology 2008 ; 2 : 327-333.