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Un robot animaloïde en institutions gériatriques

Cécile Dolbeau-Bandin est maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Caen. Elle est auteure de l’ouvrage intitulé « Un robot contre Alzheimer » aux éditions C&F. Elle nous a accordé un entretien sur l’utilisation du robot d’assistance PARO dans la thérapie des personnes âgées.

Comment définir le robot PARO ?

PARO est un robot dit « social animaloïde », il a la forme d’un bébé phoque harpé (un blanchon) et ­interagit avec autrui (Fig. 1). C’est un robot dit « social » qualifié d’émotionnel ou d’affectif puisqu’il est susceptible de manifester ces aspects à travers des états qui les représentent, comme des expressions faciales, des gestes, une posture ou des paroles. Il peut en susciter en retour chez les humains, voire adapter ses réponses et son comportement à ces derniers.

Figure 1 – PARO, le robot dit social.
Crédit : C. Dolbeau-Bandin

Ce robot serait-il empathique ou plus exactement doué d’empathie ?

PARO n’a pas d’empathie artificielle : c’est un robot qui simule pour faire comprendre à quelqu’un qu’il ressent ses émotions, mais ce « Robjet » n’est pas capable de ressentir. Le robot dit « social » est et restera une machine à simuler (1).

Quelles sont ses caractéristiques ?

C’est un robot stationnaire. Il pèse 2,5 kg et mesure 57 cm. Sa tête est en polycarbonate et il est recouvert d’une fourrure synthétique (bactéricide, hypo­allergénique et antibactérienne) peu salissante. Le son de sa voix est issu d’un enregistrement d’un vrai bébé phoque. Il « grogne (sorte de lamentations plaintives), bêle et rugit » comme un vrai bébé phoque. Les yeux de ce robot sont agrandis pour lui donner un aspect attendrissant.

Comment fonctionne ce robot ?

PARO capte les informations d’une interaction avec un individu et les renvoie à un algorithme spécifique qui adapte, en conséquence, les mouvements et l’intonation du robot. Il comporte une douzaine de capteurs et trois microphones : des capteurs tactiles qui se situent sur sa tête, son dos et ses nageoires (avant/arrière, menton et moustaches) et qui réagissent quand ces zones sont touchées ; un capteur visuel lui permet de distinguer les intensités lumineuses et les flashs de lumière ; un capteur sonore avec lequel il peut reconnaître des mots, en apprendre et identifier la provenance des sons ; un capteur de position afin de connaître la posture de son corps et savoir s’il est tenu par quelqu’un ; un capteur microphone qui lui permet d’émettre des sons en réaction à des stimuli ; un capteur de mouvement pour exprimer ses « sentiments » en bougeant sa tête, ses nageoires ou en ouvrant et en fermant ses yeux ; un capteur de température qui lui permet de s’arrêter de bouger s’il a été actif pendant une durée prolongée ou dans un environnement à forte chaleur qu’il supporte mal.

Où avez-vous pu observer son utilisation ?

J’ai mené une enquête sociologique dans un centre hospitalier public en Normandie. Ce robot est utilisé dans l’unité cognitivo-comportementale (UCC) et le service de soins de suite et de réadaptation (SSR) de cet hôpital. Les patients sont hospitalisés pour une durée de 30 à 40 jours. L’âge moyen est de 85 ans et les femmes sont plus nombreuses que les hommes. L’objectif de mon étude est de comprendre les enjeux organisationnels, professionnels et relationnels de l’usage de ce robot dans l’expérience du soignant en unité de soins hospitalière spécialisée dans la maladie d’Alzheimer (MA) ou troubles apparentés.

Quels sont les effets thérapeutiques de PARO ?

De nombreux travaux de recherche menés en psychologie, en médecine, montrent que ce robot permettrait de communiquer et d’établir des liens avec les patients et aurait un effet sur leur comportement [2]. PARO apporterait un « réel bénéfice concernant les troubles du comportement » (apaisement de l’agressivité, réduction de l’anxiété des malades…). Il agirait de façon positive sur différentes composantes et symptômes négatifs de la MA (apathie, repli sur soi, agressivité, agitation, déambulation, dépression crépusculaire). Le robot favoriserait aussi la reprise du langage et des relations interpersonnelles des patients.

Quels sont les usages du robot PARO ?

Sur la base du volontariat, le gériatre de ces deux services (UCC et SSR) de l’hôpital a proposé PARO aux équipes soignantes. Le personnel soignant a fait preuve de bonne volonté en intégrant ce robot et s’en s’ont servi, particulièrement à l’UCC. La neuropsychologue et les aides-soignants l’utilisent plus fréquemment. La durée d’utilisation du PARO auprès des patients varie de 1 à 30 minutes (Fig. 2).

Figure 2 – PARO, un patient et une infirmière lors d’une séance
Crédit : M. Hernoë

Est-il utilisé lors de sessions collectives comme des ateliers ?

PARO peut effectivement être également utilisé lors d’ateliers collectifs pour solliciter les patients. Plusieurs cas de figure sont possibles : le personnel peut le déposer sur une table, dans les bras ou sur les genoux des patients, ou bien se promener dans les couloirs et les espaces collectifs avec PARO et les interpeller « Je vous présente PARO ! Souhaitez-vous le prendre ? ». Tous les patients n’y sont pas sensibles. Les interactions suscitées par et avec PARO dépendent de la formation du personnel soignant, du contexte, du moment, du patient (et son état à un moment donné) et de la présentation du PARO.

Comment réagissent les patients ?

Les réactions des patients sont diverses. Cela peut leur permettre de discuter, de sortir de leur apathie ou d’entrer en contact avec le robot, avec les soignants, ou avec d’autres patients. En général, ils parlent à PARO comme à un être vivant avec l’impression qu’il les comprend. Leurs émotions peuvent être très variées, allant des sourires, des rires jusqu’aux pleurs : « Si tu savais, j’aimerais courir comme toi » (patiente 1) ; « C’est marrant, ces trucs-là, je retombe en enfance » (patiente 2). Certains patients confondent la machine avec un être vivant (4 sur 15) : « On dirait un vrai » (patient 3) ; « On se ferait avoir » (patiente 4).

Qu’en avez-vous conclu ?

PARO me fait aussi penser à la pierre de Syngué sabour. Dans la mythologie Perse, c’est une pierre de patience magique posée devant soi pour y déverser ses malheurs, souffrances, douleurs et misères. Ainsi, PARO absorbe comme un réceptacle les confidences, les émotions et les ressentis des patients. Il capte, en quelque sorte, leur état de bien-être ou de mal-être. Ce robot est aussi un instrument de patience pour les soignants (en contournant, focalisant ou détournant l’attention) et pour les patients (qui verbalisent et qui peuvent indiquer leur souffrance). L’usage de cette thérapie non médicamenteuse (TNM) doit être envisagée comme un outil complémentaire au travail du personnel soignant.

Dans la préface de votre ouvrage, Serge Tisseron liste un certain nombre de limites juridiques, économiques, sociales et éthiques. Que veut-il dire ?

Les robots soulèvent de nombreuses interrogations sociétales, légales et éthiques, induites notamment par le stockage et l’exploitation algorithmique potentielle de données personnelles collectées au sein de la sphère privée. En institution gériatrique, l’adaptation de la robotique de service et en particulier la robotique dite « sociale » remettront notamment en question les normes juridiques et provoqueront des questionnements moraux ou éthiques. Ce qui rejoint les propos de Serge Tisseron : « Il est important de mettre en avant les droits des humains face aux robots, plutôt que les droits des robots face aux humains. » 

Bibliographie

1. Tisseron S, Tordo F. Robots, de nouveaux partenaires de soins psychiques. Erès, 2018.
2. Sant’Anna M, Morat B, Rigaud AS. Adaptabilité du robot Paro dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer sévère de patients institutionnalisés. Neurol psychiatr gériatr 2011 ; 12 : 43-8.